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La 2ème Guerre Mondiale (1939-1945)

 

 

Le 1er septembre 1939, l'invasion de la Pologne entraîna aussitôt la mobilisation générale et l’entrée en guerre, le 3 septembre 1939, du Royaume-Uni, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et de la France contre l'Allemagne.

Pour de nombreuses localités situées à proximité de la frontière allemande et plus particulièrement le Bitcherland, le début de ce conflit fut marqué par un déplacement massif de la population hors des zones de combat à venir.

 

EVACUATION EN CHARENTE

(Sources : AD57 et SCHREINER Marguerite *1919-2014)

 

Dès 1937, avait été élaboré un plan qui prévoyait, dans le cas d’un conflit avec l’Allemagne hitlérienne, l’évacuation des localités situées dans la “zone rouge”, ou la “zone avant”, bande de territoire coincée entre la Ligne Maginot et la frontière.

 

Le secret des opérations avait été relativement bien gardé, les maires des communes n’ayant été informés que de l’essentiel indispensable. L’ordre d’évacuation arriva dans les premiers villages de la zone rouge, en début d’après-midi du 1er septembre 1939, avec ordre d’évacuation pour 17 heures le jour même. Les personnes eurent tout juste quelques heures pour rassembler leurs effets qui ne pouvaient excéder 30 kg par personne.

 

 

En route !

 

A ETTING, on attendait l’ordre d’évacuation, mais sans trop y croire, et pourtant la confirmation officielle arriva au village vers 14 heures. Le garde champêtre et appariteur Jacques STEFFANUS fit le tour du village pour annoncer au son de sa clochette (de Schèll) les consignes à respecter : départ le plus rapidement possible, en fin d’après-midi, pour une destination inconnue. Les maisons devaient rester ouvertes avec clé sur la porte et les animaux domestiques (lapins-volailles et chiens) laissés en liberté.

 

Pour avertir les personnes qui se trouvaient dans les champs en train de rentrer le regain ou récolter les fruits, l’abbé Joseph WAGNER fit sonner le cloches à toute volée vers 16 heures 30. C’était l’affolement général dans le village, sauf pour les enfants qui avaient là une occasion unique de pouvoir partir en vacances. Quant aux parents, ils préparèrent avec fébrilité le petit paquetage d’habits, de vivres, tout en essayant de ne pas oublier les objets les plus précieux ou les plus indispensables. Les plus vieux se rendirent encore au cimetière avant d’entreprendre ce périple vers l’inconnu. Cette journée fut également marquée par l’inhumation dans l’urgence de Barbe KREMER (1865-1939), cérémonie à laquelle n’assistèrent que le curé et le chantre Clément HITTINGER.

La colonne de charrettes tirées essentiellement par des attelages de vaches, les chevaux ayant été réquisitionnés, se mit en branle vers 19 heures 30. A la sortie du village, sur les hauteurs du « Késchdebèrsch », les anciens jetèrent un dernier regard ému vers le village, en se demandant s’ils allaient revoir un jour leur cher ETTING avec tout ce qu’ils ont dû abandonner. Puis pleurs, cris et prières submergèrent cette foule désemparée. Un soir lugubre s’annonçait et à la tombée de la nuit, le gros du convoi fit halte à la sortie de LORENZEN pour passer la première nuit à la belle étoile.

 

Le lendemain, le voyage se poursuivit par monts et par vaux. Le convoi se scinda en deux, la majorité des Ettingeois prit la direction de HIRSCHLAND et SARRALTROFF, tandis que les autres passèrent leur seconde nuit à l’entrée de NIEDERSTINZEL et la suivante à LANGUIMBERG. Tous les Ettingeois se retrouvèrent après trois jours de voyage à RECHICOURT-LE-CHATEAU. Cette localité, devenue centre de regroupement pour de nombreux villages évacués, a hébergé tant bien que mal tous ces réfugiés logés dans les granges et greniers durant deux nuits.

 

Après deux jours de repos, un nouvel aurore venait de se lever pour un abandon plus complet et plus tragique encore. Dans la plaine de RECHICOURT, il fallut abandonner charrettes et attelages. Il ne restait plus que le baluchon à traîner vers la gare, où la fuite devenait de plus en plus cruelle. Entassés à 30 ou 40 dans des wagons à bestiaux, couchés sur la paille, les évacués furent transportés durant deux jours et deux nuits vers une destination toujours inconnue.

 

Enfin, le 6 septembre au soir, le train s’arrêta en gare d’ANGOULEME (Charente). Après avoir passé la nuit dans un hangar à EXIDEUIL, une partie des Ettingeois fut hébergée durant quelques semaines dans une école à LE LINDOIS, avant de rejoindre leurs compatriotes installés à CHABANAIS (Charente).

 

Le jour de l’évacuation, le maire Antoine DEMMERLE avait constitué une commission d’évacuation comprenant quelques élus : Jacques BECK et Pierre DEHLINGER ainsi que quelques jeunes non mobilisables des classes 1921-1922 et 1923, entre autres Adolphe HITTINGER, Alphonse DEMMERLE, Arthur HOFFMANN, Emile LALUET, Joseph et Rodolphe DEHLINGER.

 

Le dimanche 3 septembre 1939, les jeunes gens de la commission d’évacuation reçurent l’ordre de détacher le bétail et de conduire le troupeau jusqu’à RAHLING. La Commission de Réception et d’Achats du bétail  installée en mairie de MACKVILLER remit un reçu au maire Antoine DEMMERLE mentionnant 300 têtes de bétail. Arrivés à RECHICOURT, après deux jours de marche, cette commission était à nouveau sollicitée pour soigner les animaux d’attelage parqués sans eau ni nourriture sur un terrain. Ce spectacle lamentable de vaches qui meuglaient et de chevaux qui piaffaient avait choqué tous les membres de cette commission, qui se trouvaient dans l’incapacité de venir en aide à ces pauvres bêtes délaissées. Les membres de cette commission  durent rester sur les quais, le jour de l’embarquement de leurs familles, pour les représenter lors de l’évaluation des attelages et des biens abandonnés sur place.

 

 

L’accueil.

 

En arrivant en Charente, les Ettingeois furent surpris par la pauvreté du mobilier et par l’état délabré des maisons et des fermes. Le manque de sanitaires, la malpropreté des lieux et la prolifération des puces les consternèrent. La pomme de terre apparaissait rarement sur les tables, la choucroute pas davantage. Le vin blanc, par contre, fut très vite adopté et apprécié par les hommes qui se retrouvaient très souvent au « Café de la Barrière » à CHABANAIS. Les allocations journalières de 10 F par jour et par adulte et 5 F par enfant permettaient de vivre. D’ailleurs, après la soupe populaire et les popotes des premiers jours, une fois installées, les familles d’évacués reprirent une vie presque normale, bien que les disparités d’installation entre les familles fussent parfois importantes, allant du château à la masure isolée.

 

 

Une occupation pour chacun.

 

Les Ettingeois s’acclimatèrent progressivement et sympathisèrent avec les autochtones. Les hommes non mobilisés qui étaient logés dans des fermes aidèrent les cultivateurs. Certains trouvèrent du travail dans la scierie située à l’entrée du village ou dans la carrière de granit. D’autres encore étaient employés par les artisans de la localité ou trouvèrent de l’embauche dans une fabrique de chaussures. Beaucoup d’hommes travaillèrent à la poudrière d’ANGOULEME pour répondre aux commandes militaires. Les jeunes femmes qui n’étaient pas occupées par les tâches ménagères étaient orientées vers les usines de confection pour la Défense Nationale.

 

Une salle de classe fut aménagée pour les enfants en âge scolaire et la rentrée se fit normalement, le 2 octobre 1939. Le couple KUCHLY, qui avait suivi les Ettingeois assura les cours durant toute l’année scolaire. On organisa également des cours de français pour les évacués adultes. Joséphine SCHREINER, ancienne institutrice de KALHAUSEN, se chargea de dispenser bénévolement ces cours du soir.

 

Une des deux églises de CHABANAIS, notamment celle située près du monument aux morts, fut mise à la disposition de l’abbé Joseph WAGNER. Ce dernier séjournait au presbytère et officiait quotidiennement en prêchant en allemand. Assister à la messe et aux vêpres était un réconfort précieux pour les évacués. D’ailleurs, tous les jours, les Ettingeois se retrouvèrent à l’église, vers 15 heures, pour réciter le chapelet. Les deux églises de CHABANAIS avaient rarement accueilli autant de fidèles le dimanche. Les paroles de consolation trouvaient là tout leur sens. A la sortie de l’office, chacun se réjouissait de retrouver les amis ou la famille pour parler du pays.

A la fin de l’automne, en raison de l’extrême dénuement et de la situation de précarité dans laquelle se trouvait la majorité de nos concitoyens, le commandant d’armes stationné à ETTING, fut chargé de récupérer les machines à coudre, les bancs d’école, des vêtements et du linge pour les habitants de notre commune. Ces objets furent distribués sous la surveillance du maire Antoine DEMMERLE.

 

 

Le mal du Pays.

 

Dans un premier temps, il fallut surmonter les barrières culturelles et linguistiques. La plupart de nos concitoyens parlait le dialecte germanique et la pratique religieuse franche et massive se poursuivait sous l’œil vigilant de l’abbé WAGNER. Les « YAYA », comme les appelaient les Charentais, avaient beaucoup de mal à parler français : « Ils viennent de l’Est. Il y en a qui ne parlent pas du tout le français, ne sont-ils pas des Boches ? » entendait-on parfois.

Dans le but d’atténuer le sentiment de dépaysement, le gouvernement incita les municipalités d’accueil à organiser une grande fête autour de l’arbre de Noël, pour respecter la tradition d’Alsace-Lorraine et développer l’amitié et la fraternité entre les communautés.

De temps à autre, une visite inattendue d’un permissionnaire réveillait la nostalgie du Pays. Après l’émotion des retrouvailles, c’était le long récit des nouvelles du front, du village enneigé et des maisons saccagées par les troupes de la Ligne Maginot. Les Charentais se disaient qu’ils étaient peut être quand même bien français ces « YAYA » en uniforme. Mais lorsque les Allemands furent effectivement là, ils se rendirent compte que ces « Bìtcherlänner » avec leur patois germanique les comprenaient très bien et que ça pouvait présenter des avantages. Mais rares furent les évacués qui sympathisèrent avec l’occupant.

 

 

 

« Le rapatriement des réfugiés de l’Est » (Titre du journal « LE MATIN CHARENTAIS » du 7/8/1940)

 

Dès juillet 1940, le retour des populations évacuées d’Alsace et de Moselle était exigé par les vainqueurs. Il aurait dû s’effectuer rapidement, mais la désorganisation du pays et les dégâts subis par les infrastructures dans les communes évacuées interdirent un retour massif avant la fin août 1940. Un certain nombre de nos concitoyens se posèrent la question s’ils devaient renoncer à tous leurs biens au profit des Nazis. Mais la majorité pensait qu’en rentrant au Pays, ils assureraient la pérennité de la présence française et de la pensée française sur ces territoires annexés par la force.

Le 13 août 1940, les Ettingeois prirent le train pour rentrer au village. A SAINT DIZIER, les Allemands effectuèrent un contrôle particulièrement sévère pour refouler les indésirables, notamment les juifs et ceux qui portaient un patronyme à consonance française.

Malheureusement, quelques Ettingeois, qui reposaient en terre charentaise, ne purent rentrer au village, notamment  Jacques STEFFANUS, Marguerite STEFFANUS et Philomène STEFFANUS.

Les rapports entre la municipalité de CHABANAIS et les élus Ettingeois furent cordiaux durant tout leur séjour. D’ailleurs, nos concitoyens surnommèrent Mr RIVET, maire de CHABANAIS, « le père des réfugiés ». (Source HIEGEL dans la Tragédie Lorraine) Des amitiés solides entre évacués et familles d’accueil se nouèrent durant cette période et perdurent encore.

 

 

Petites anecdotes :

  • Le 06.09.1939, attendant les formalités d’embarquement ferroviaire, notre sage-femme communale Sophie WITTMANN accouchait de son fils Albert à SARREBOURG. Son époux Pierre HOFFMANN, chauffeur aux Moulins BLOCH de Sarreguemines, était réquisitionné par l’Armée pour assurer le transport et la logistique militaires. Elle a rejoint seule CHABANAIS, une semaine plus tard, avec son nourrisson et son fils Emile âgé de 3 ans. ()

-Henri DEMMERLE naquit à Lunéville, le 26.12.1939. Toute sa famille avait trouvé refuge à BARTHELEMONT-LES-BAUZEMONT. Sa grand-mère Anne KIMMEL, née STEFFANUS, accompagnée de 18 personnes dont ses fils Henri, Joseph et sa fille Elise rejoignirent CHABANAIS en Mai 1940. (Source : Henri DEMMERLE)

-Irène DEMMERLE, née le 1er septembre 1939 à SARREBOURG, fut baptisée à RECHICOURT-LE-CHATEAU avant le départ pour la CHARENTE.

-Dorothée HOFFMANN, dite "Dora" naquit à LE LINDOIS (16310) le 30.09.1939. Marcel MEYER, Victor DEMMERLE, Antoine DEMMERLE virent le jour à CHABANAIS en 1939 et Gérard STEFFANUS en 1940. (Source Henri DEMMERLE)

 

NOTA : Lors d’une visite à Chabanais, 50 ans après son évacuation, ma mère, Marguerite SCHREINER (1919) eut la surprise de constater que cette commune était jumelée avec GIESEN en Allemagne et regrettait qu’il n’y ait jamais eu de partenariat entre ETTING et sa commune d’accueil. Par ailleurs, actuellement sur le site internet Wikipédia de CHABANAIS, ni cette période de l’histoire ni même la localité d’ETTING ne sont évoquées.

 

 

LE RETOUR A ETTING – "LES MALGRE-NOUS"

 

Quelle désolation de retrouver, après un an, le village meurtri d’ETTING ! Les champs, les jardins, les abords des habitations étaient envahis par les mauvaises herbes, les orties et les ronces. L’état de l’intérieur des maisons fit pleurer plus d’un propriétaire : portes défoncées, planchers arrachés, vitres brisées, armoires vidées et leurs contenus éparpillés partout. De plus, la pluie s’infiltrait par les toitures en partie découvertes. Le pillage méthodique et le saccage des habitations perpétrés par les militaires français durant l’hiver 1939-1940 dépassaient les pires cauchemars des évacués.

 

En outre, les dynamitages, opérés en juin 1940 par le Génie Français, du pont situé au centre du village et de la rue de la Paix avaient entraîné de graves dommages à une vingtaine de maisons.

Il fallut d’abord déblayer les abords, nettoyer les maisons, rechercher les meubles éparpillés dans les casemates disséminées sur le ban de la commune et dans les forts de la Ligne Maginot. Les nombreuses tranchées antichars qui zigzaguaient à travers la campagne occupèrent les hommes durant une partie de l’automne dans le but de remettre les champs en état pour les semailles.

 

Puis, la vie se réorganisa sous une autre administration que nos concitoyens ne tenaient pas tellement à cœur. ETTING fut rebaptisé ETTINGEN et rattaché à la « Grossgemeinde » ACHEN, où François KREBS faisait office de « Ortsvorsteher » ou responsable local.

L’administration allemande fit en sorte que la vie puisse s’organiser normalement en distribuant des chevaux, des vaches, des semences et de l’outillage agricole provenant notamment d’autres pays occupés et rançonnés par les nazis. Le « Wiederaufbau » ou reconstruction, encadré par les nazis de l’entreprise Charles STEINFELD, pouvait commencer. Chacun se mit alors rapidement à l’ouvrage. Mais le répit ne fut que de courte durée.

 

Les tracasseries administratives  commencèrent très vite avec le rationnement, le travail obligatoire ainsi que l’inscription des habitants à la « Volksgemeinschaft » ou communauté du peuple. Pourtant, le parti nazi n’eut aucun succès auprès des Ettingeois, qui restèrent solidaires dans l’adversité.

 

Se sentant mal à l’aise sous l’occupation allemande, Joseph DEHLINGER résolut de passer la Ligne de Démarcation. Alors qu’il cherchait un passeur, il lut dans le journal « Die Westmark » un communiqué qui demandait à tous les Lorrains se reconnaissant Français et désirant partir en France d’en faire la déclaration aux autorités de police entre le 16 et le 22 mars 1941. Joseph DEHLINGER et Adolphe FREYERMUTH rédigèrent aussitôt leur demande d’option et quittèrent ETTING le 2 mai 1941. Le premier s’engagea au 153° R.I. de LYON avant d’intégrer la Brigade d’Alsace-Lorraine au sein de laquelle il participa à tous les combats de la Libération.

 

Le second travailla durant huit mois dans les Chantiers de Jeunesse à TONNEINS (Lot-et-Garonne) avant d’être engagé comme ouvrier agricole au château de CONORD à CASTELMORON-SUR-LOT, dans le même département.

D’autres jeunes gens d’ETTING avaient également décidé de rejoindre la France. Joseph HITTINGER, né en 1922, s’engagea dans l’armée d’Afrique. Il poursuivit après la guerre une belle carrière militaire, finira avec le grade de colonel et sera élevé au grade d’officier dans l’Ordre de la Légion d’Honneur. Pierre ROHR et son cousin René BERO, tous deux nés en 1923, s’engagèrent au 151° R.I. stationné à LONS-LE-SAUNIER (Jura). Après la dissolution de l’armée d’Armistice, ils regagnèrent tous deux CHABANAIS (Charente). Tous deux intégrèrent le maquis F.T.P.F. du secteur de Limoges où ils participèrent à de vaillantes actions de harcèlement des occupants.

Pierre ROHR a été arrêté le 22 novembre 1943 en Charente pour port d’arme prohibée et interné au camp de concentration de DACHAU jusqu’au 7 mai 1945. Ses parents qui ne cachaient pas leurs sentiments hostiles à l’occupant subirent également la déportation en Autriche, puis en Allemagne orientale. Toute la famille a été déportée le 26.05.1942. Leur parcours les entrainera dans les camps de travail de LINZ (Autriche), MUHLHAUSEN, ZOSSEN et GERA. Libérée par les Américains, elle rejoindra la France le 29.05.1945. Pour l’anecdote, les "Grotze Péédersch" marcheront à pied, de nuit, de SARRALBE pour rejoindre ETTING. (Source Julie ROHR).

 

Après les chicaneries administratives et politiques suivirent les contraintes militaires posant de vrais cas de conscience. En effet, l’octroi de la nationalité allemande aux Alsaciens-Lorrains en août 1942 entraîna en octobre l’appel sous le drapeau des jeunes gens des classes 1922 à 1924. A partir de janvier 1943, les classes 1920, 1921 et 1925 furent concernées, suivies en juin par les classes 1914 à 1919. L’année 1944 vit encore l’incorporation des classes 1926 et 1927.

 

Dès 1943, alors que rien ne laissait encore entrevoir la défaite allemande, plusieurs de nos compatriotes refusèrent de combattre sous l’uniforme allemand. Le nombre de ces réfractaires ira toujours croissant pour éviter de boucher les trous des profondes saignées subies par l’armée allemande sur le front russe. De nombreux « Malgré-Nous » ne rejoignirent plus leur régiment au terme de leur première permission et se cachèrent dans leur famille. Refuser d’être incorporé dans l’armée allemande ? S’évader ? Certes c’était possible, mais cette solution présentait le risque de voir la famille déportée et spoliée de tous ses biens. Certains ont réussi ce pari audacieux, parfois en usant de stratagèmes particulièrement ingénieux.

Marcel HITTINGER (1920-1964), blessé près de STALINGRAD en juin 1944, a eu la chance de passer sa convalescence dans sa famille. Suivant les conseils avisés d’Adolphe EBERHARDT (1895-1975), qui lui procura une médication pour empêcher la cicatrisation de sa blessure, il réussit ainsi à retarder sa guérison de plusieurs semaines. Transféré au « Lazarett » d’OERMINGEN installé dans l’ancien camp de sûreté, il profita d’un bombardement, en septembre 1944, pour s’évader et regagner ETTING où il trouva refuge dans la famille de Joseph MEYER (1906-1966).

Alphonse SCHREINER (1925-1976), utilisa dès sa première permission le subterfuge de l’automutilation pour retarder son retour sur le front russe. Avec la complicité de son père Jean Jacques, il fut « victime » d’un accident agricole : une charrette chargée de fumier lui écrasa en effet la jambe. Hospitalisé à OERMINGEN, de Noël 1943 à Pâques 1944, Alphonse s’évada dès son rétablissement. Durant son hospitalisation, son père avait sollicité l’intervention de Jacques BECK, maçon de métier, pour transformer le fumoir situé au grenier et y incorporer une cachette susceptible de contenir au moins quatre personnes. En automne 1944, Alphonse fut rejoint dans cette cachette par son cousin Alphonse HOFFMANN, insoumis et réfractaire, (*1918-†1979) puis par son frère Jacques (*1921-†1995), engagé en YOUGOSLAVIE.

L’administration nazie ne resta pas inactive devant ces actes de désobéissance et d’insoumission. Les interrogatoires des parents soupçonnés de cacher leurs fils réfractaires se multiplièrent à la « KOMMANDATUR » de SARREGUEMINES, mais sans résultats. Il en était de même des vérifications et fouilles domiciliaires. C’est ainsi qu’en automne 1944, l’officier allemand chargé de la perquisition de l’habitation de Jean Jacques SCHREINER, s’exclama à l’issue de sa visite infructueuse : « Hier wird gelogen, dass die Balken krachen » (Ici on ment au point de faire grincer les poutres).

D’autres contrôles inopinés se déroulèrent moins bien. Ainsi, début août 1944, un « Feldgendarm » se présenta rue d’Altkirch, au domicile de Jean Pierre DEMMERLE, lequel cachait ses deux fils réfractaires. En l’absence des parents occupés à rentrer le regain, c’est le jeune Ferdinand, âgé de 14 ans, qui ouvrit la porte au gendarme allemand. Ayant entendu un bruit suspect provenant de la grange, le militaire allemand se précipita dans la maison et se trouva nez à nez avec Albert DEMMERLE, l’un des réfractaires. Ce dernier repoussa violemment le gendarme avant de se réfugier dans l’étable, dont il verrouilla la porte d’accès.

Ce réflexe permit à son frère Aloyse de se réfugier dans la cachette aménagée sous la mangeoire, pendant qu’Albert s’enfuit par la fenêtre de l’étable. Furieux d’être bloqué derrière cette porte, le gendarme fit sauter le verrou en tirant plusieurs coups de feu. N’ayant pu mettre la main sur aucun des deux réfractaires, il pointa alors son arme sur la tempe du jeune Ferdinand en le questionnant sur l’identité du fugitif. Les pleurs et le mutisme du jeune Ferdinand firent leur effet et l’Allemand abandonna.

Mais plus tard, l’interrogatoire serré des parents fut si persuasif qu’ils passèrent rapidement aux aveux. Leur « franchise » fut pourtant mal récompensée, car ils se retrouvèrent emprisonnés à la Maison d’Arrêt de SARREGUEMINES en même temps que leurs deux filles Joséphine et Marguerite. Durant leur absence, Ferdinand et sa sœur Thérèse, tous deux encore adolescents, durent faire face aux durs travaux agricoles en cours.

 

A partir de cette date, s’établit un climat d’insécurité permanente dans le village. Les signes précurseurs de la défaite allemande augmentèrent encore le nombre de ces clandestins qui dépassera la cinquantaine.

 

L’avancée rapide des Alliés dans la région de NANCY- MORHANGE provoqua un départ inattendu de l’administration allemande le 1er septembre 1944.

Cette retraite précipitée des Allemands permit la libération de tous les détenus de la Maison d’Arrêt de SARREGUEMINES, notamment de la famille DEMMERLE, dont la déportation pour le camp de concentration de RAVENSBRÜCK était déjà programmée.

 

Mais les Alliés marquèrent un temps d’arrêt de quelques jours, pour permettre à l’intendance de suivre, ce qui permit à l’administration nazie de revenir après deux jours d’absence, pour organiser le service obligatoire du « SCHANZEN ». Tous les hommes valides, de 16 à 65 ans, durent alors creuser des tranchées antichars autour du village et du côté de WITTRING pour essayer de contenir l’avancée des Alliés.

 

Courant septembre, Alphonse DEMMERLE, hospitalisé au Lazarett d’OERMINGEN, profita d’une alerte aérienne pour s’évader et regagner ETTING. Le soir même, les Allemands encerclèrent le village en mettant leurs mitrailleuses en batterie. Pendant plusieurs jours, ils opérèrent contrôles et perquisitions dans les maisons, mais ne retrouvèrent pas le fugitif.

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