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 La Première Guerre Mondiale (1914-1918).

 

L’amputation des territoires annexés par l’Allemagne en 1871 fut cruellement ressentie par la France. Pendant 43 ans, volonté nationale et propagande patriotique ne cessèrent de réclamer la restitution des provinces volées et la revanche sur les « Prussiens Â». Mais, il ne s’agissait plus de la Prusse seule. En effet, BISMARCK avait obtenu très rapidement la réunification de l’Allemagne et la proclamation de Guillaume Ier Empereur d’Allemagne dès le 18 janvier 1871. Durant plus de deux décennies, l’Allemagne de BISMARCK domina économiquement et politiquement l’Europe.

 

Au début du XXème siècle, dès 1905, les incidents entre la France et l’Allemagne se multiplièrent, sur un ton fort aigre, principalement au Maroc. Dans l’Empire Ottoman et les pays balkaniques, Russie et Autriche-Hongrie s’opposaient également sans cesse. Un peu partout, les milieux politiques sentaient la conflagration proche.

Lorsque l’archiduc héritier d’Autriche fut assassiné à SARAJEVO, en juin 1914, le mécanisme diplomatique était tel que les premières mesures de mobilisation se préparèrent dans les grandes nations européennes.

La situation internationale était suivie par les Ettingeois à travers la presse allemande. Après l’attentat de SARAJEVO, ils croyaient encore à un règlement pacifique. Un rapport très touchant, en date du 3 janvier 1915, rédigé par l’abbé Joseph WAGNER, à la demande de Mgr BENZLER, évêque de METZ, sur le comportement moral et religieux des paroissiens au moment de la mobilisation et du début de la guerre, nous renseigne sur l’état d’esprit de nos concitoyens.  « Ce n’est qu’à partir du 24 juillet 1914 que les jeunes gens d’ETTING travaillant à la gare et au chemin de fer rapportèrent toutes sortes de rumeurs alarmantes. Dès le lendemain, ces jeunes reçurent des armes pour garder jours et nuits les ponts sur la Sarre. Le jeudi 30 juillet 1914, un appel téléphonique parvint à la « Hilfpoststelle in ETTINGEN Â» annonçant la déclaration de la guerre à la Russie. L’agitation et la peur étaient indescriptibles. Les marchandises et denrées disponibles dans les trois commerces du village ont été vendues en très peu de temps.

Dans la nuit du jeudi au vendredi arriva l’ordre de mobilisation. Deux jeunes gens du village,  Paul HOFFMANN et Nicolas RIMLINGER durent partir immédiatement. D’autres durent se présenter dès l’aube à SARREGUEMES. Avant leur départ, tous ces jeunes gens vinrent se confesser et reçurent la sainte communion. J’ai distribué tout mon reliquat de scapulaires aux jeunes mobilisés, chacun voulait se mettre sous la protection de la Sainte Vierge en partant à la guerre. Comme je n’avais pas assez de médailles, certains durent se contenter d’une image de cette médaille. Le moment le plus émouvant pour moi fut la distribution de la sainte communion, le dimanche matin 2 août 1914 aux jeunes partant pour le front. Je ne pus retenir les larmes qui coulèrent sur mes joues.

Le soir même de fausses nouvelles catastrophiques et affligeantes étaient colportées dans le village selon lesquelles les Français se trouvaient devant SARREBOURG et avaient anéanti près de deux régiments allemands. J’eus beaucoup de difficultés à convaincre mes paroissiens que ces allégations étaient totalement insensées.

Depuis la bataille de SARREBOURG, une certaine confiance dans la victoire finale régnait à nouveau dans le village. Lors de cette bataille tombait le premier de nos jeunes concitoyens : Jacques KIRCH, qui se trouvait en garnison à BITCHE à la déclaration de guerre.

 Jusqu’au 3 janvier 1915, il n’y eut pas d’autre victime. Seul Jean HOFFMANN avait été blessé près de REIMS, mais a pu rejoindre à nouveau le front. Toutes les lettres adressées par les soldats à leurs familles témoignent de leur grande confiance en Dieu et de leurs sentiments religieux. Â»

 

Pour illustrer ses propos, l’abbé WAGNER citait quelques extraits de lettres adressées notamment par Antoine FREYERMUTH à son épouse le 15/10/1914 et par Christophe DEHLINGER le 31/10/1914 adressée à son confesseur. (Sources ADM)

L’état de guerre s’installa très vite, et d’emblée les opérations militaires se déroulèrent à quelques dizaines de kilomètres de notre village. En effet, le général De CASTELNAU s’avança en Lorraine annexée, conformément au plan d’offensive français. Mais son armée se trouva rapidement stoppée par l’armée allemande. Les affrontements se déroulèrent du 14 au 21 août 1914 autour de MORHANGE, SARREBOURG et LONGWY.

 

Les Allemands ayant réussi à repousser les Français vers la Meuse à l’Ouest et vers les Vosges au Sud, les opérations militaires s’éloignèrent et notre région en  fut épargnée.

Les Ettingeois mobilisés combattaient tous sous l’uniforme du Reich. La méfiance s’étant accrue à l’égard des Alsaciens-Lorrains, un grand nombre de nos compatriotes fut envoyé sur le front russe. Victime de discriminations avilissantes au sein de l’armée allemande, un de nos compatriotes refusa ce sort et décida de déserter. Alphonse RIMLINGER profita d’une des nombreuses offensives sur le front de la Somme, pour faire le mort entre deux tranchées avant de pouvoir se faufiler à travers les barbelés jusqu’aux lignes françaises.

 

Même si la population civile ne reçut que très peu d’échos de la guerre, celle-ci était constamment présente dans leur vie quotidienne à travers les multiples difficultés et privations : tickets de rationnement, contrôle des denrées et arrivée des «  Ersatz Â» ainsi que réquisitions incessantes de chevaux, charriots et bétail …

Privé de ses hommes, le village dut continuer à survivre. Le travail des femmes et des enfants  devait contribuer à l’énorme effort de guerre. Les écoliers étaient souvent réquisitionnés pour diverses collectes ou ramassages de ferraille (cuivre, étain, aluminium, etc.), de fruits ou de plantes (fleurs de sureau, orties, etc.)

Les cultivateurs étaient obligés de céder une partie importante de leurs récoltes et du bétail : lait, Å“ufs, céréales, porcs etc. Selon la chronique de l’abbé DEMMERLE notre village connut la famine. La population se nourrissait de pain de guerre, « Kriegsbrot Â». La devise était : « Besser K-Brot als kein Brot Â». A défaut de tabac, on fumait des feuilles de fraisiers ou de pommiers. Des perquisitions et contrôles à domicile eurent souvent lieu pour rechercher les produits cachés. Nos compatriotes n’étaient d’ailleurs jamais à court d’idées, de subterfuges et de cachettes dans les champs (Hehllöcher). Souvent, ils achetaient la complicité et le silence des soldats chargés de perquisitionner au moyen de « Schnaps Â» et de victuailles. Lorsqu’une patrouille arrivait dans le village, les enfants par leurs cris en informaient immédiatement les familles.

Le manque de main d’œuvre était en partie comblé par les prisonniers russes engagés dès 1915 comme ouvriers agricoles dans un grand nombre de familles. Ils étaient cantonnés dans la maison communale, appelée « Hìrdehuss Â». Cette habitation était occupée avant la guerre par Jacques HOFFMANN, pâtre communal. Les quelques hommes valides non mobilisables se relayaient pour assurer la garde de cette geôle improvisée. Cette maison fut acquise en 1923 par le couple Jacques HOFFMANN - Marie FREYERMUTH.

 

Au fil des mois, le moral s’effilochait. Des mesures maladroites et vexatoires comme celle qui consistait à envoyer les cloches à la fonderie pour les transformer en armes amplifièrent les mécontentements. En effet, la réquisition de deux cloches de l’église, le 6 juillet 1917, souleva l’indignation de l’abbé WAGNER et de tous les fidèles d’ETTING. L’hiver de la dernière année du conflit fut marqué par la grippe espagnole, maladie très contagieuse qui fit plus de 20 décès d’après le registre d’état-civil.

 

La guerre se termina le 11 novembre 1918 par la défaite de l’Allemagne et le retour de l’Alsace-Lorraine à la France. Ce conflit mondial avait demandé un lourd tribut à notre village : 22 de nos compatriotes dans le plus bel âge de leur vie ne rentrèrent pas dans leur foyer, sans oublier les blessés et les handicapés. Cette hécatombe laissera un grand vide dans la jeunesse de notre village qui mettra de nombreuses années à soigner ses plaies.

 

Partout en France, on construisit des monuments aux morts. A ETTING, à défaut de mémorial, on se contenta d’une simple plaque mentionnant les 22 victimes (en réalité 23) tombées au champ d’honneur, parmi lesquelles on peut citer le maire du village, Christophe DEHLINGER, mort le 8/9/1917, ainsi que deux victimes tombées sous les couleurs françaises. Elle sera installée le 10 août 1919 au fond de l’église paroissiale. Deux familles édifieront un monument en signe de reconnaissance : Paul ZINS et Jean Pierre DEMMERLE.

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