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Les Trentes glorieuses

 

A la Libération, on manquait de tout et il fallait suppléer à tout. L’entraide familiale était par conséquent indispensable et préconisée par ces défis quotidiens. Le maire Clément HITTINGER, très sollicité par les familles sinistrées, s’est montré particulièrement disponible et efficace pour faciliter les démarches et obtenir les indemnités de dommages de guerre pour reconstruire les maisons détruites.

Notre enfance insouciante a pu évoluer en toute liberté au milieu de cette population travailleuse qui reconstruisait avec joie et bonne humeur les maisons et remettait en état le ban dévasté par la guerre tout en assurant un quotidien modeste et chaleureux.

 

Comme avant la guerre, les femmes et les enfants apportaient leur aide pour les travaux des champs. On emmenait les vaches aux pâturages durant les grandes vacances, puis on les attelait aux charrettes pour ceux qui n’avaient pas de chevaux. Les vaches, qu’il fallait fourrager et conduire à la fontaine du quartier matin et soir, étaient vraiment les compagnes de notre vie quotidienne.

Comme avant, la vie du village était immuablement marquée par les fêtes et les offices religieux. La vie de famille, le calendrier des travaux, tout était rythmé par l’appel des cloches, qui après avoir été réquisitionnées en 1943 par les Allemands avaient été remplacées dès 1947 et bénites par Monseigneur HEINTZ, évêque de METZ.

Les jeunes gens qui avaient survécu aux affres de la guerre recommencèrent à se marier. Mais maintenant la mariée portait une longue robe blanche, signe de virginité. Organisée le mardi, au domicile de la mariée, la fête se poursuivait durant 2 jours.

 

 

ETTING continuait aussi d’être une pépinière de prêtres et de religieuses. Ainsi, tout le village s’émouvait, tout le monde se déplaçait pour accueillir l’enfant du village le lendemain de son ordination.

Quelle fierté pour la communauté villageoise d’accueillir en 1946, le jeune Adolphe STEFFANUS (1922-2002), missionnaire chez les pères Oblats de Marie ! Envoyé en Afrique du Sud, dans une région appelée le Basoutholand, il y officiera durant plusieurs décennies. Quel bonheur pour nous les jeunes lorsqu’il revenait de temps à autre à ETTING et nous projetait des diapos en nous faisant rêver de ces contrées lointaines encore sauvages.

 

En 1951, avec l’ordination de l’abbé Alphonse HITTINGER (*1924-†2009), fils du maire de la commune, le cortège, la décoration des rues et les arcs de triomphe battaient tous les records. La réception à la gare, puis l’arrivée au domicile des parents ont été des moments très émouvants. La chorale dirigée pour l’occasion par son frère Joseph HITTINGER (*1922-†2010) a été remarquable lorsqu’elle a entonné le « Grosser Gott, wir loben Dich Â». Le lendemain, le jeune abbé était conduit en procession jusqu’à l’église, où les Ettingeois se pressaient pour y recevoir l’imposition des mains.

 

La Première Messe d’Alphonse HITTINGER en Juin 1951 (Photos Eugénie HITTINGER)

Durant ces années 50, où la pratique religieuse était encore très assidue, le culte de la Vierge Marie était partout présent. Toutes les familles, enfants des écoles y compris, s’activèrent alors pour construire une superbe réplique de la grotte de Lourdes à l’emplacement de l’ancien cimetière.

 

Inauguration de la grotte en 1954 par l’Abbé Joseph WAGNER (Photos Eugénie HITTINGER)

Cette grotte monumentale a été inaugurée en grande pompe en 1954, à l’occasion du jubilé de l’abbé Joseph WAGNER, qui s’apprêtait à prendre sa retraite à l’âge de 89 ans, après 50 ans de ministère à ETTING.

 

Ah ! Quelle solennité lors des processions du 15 août autour de cette belle grotte ou celles de la Fête Dieu avec arrêts aux 4 reposoirs érigés dans les divers quartiers du village !

En effet, chaque année la Fête-Dieu était célébrée avec beaucoup de solennité. Aussi, la préparation de cette grande fête religieuse était une période d’intense activité. La veille, on se rendait en forêt pour couper les « Maibääm Â» à dresser autour des reposoirs et on coupait les feuilles de roseaux étalées sur le passage de la procession. Les fenêtres étaient décorées de guirlandes et de statues pieuses. C’est dans un village  en fête que s’avançait la procession entre une double rangée de guirlandes en papier crépon et de petits fanions. Plusieurs familles avaient le privilège de dresser un autel-reposoir pour accueillir le Saint-Sacrement devant leur demeure, notamment les familles Jean-Jacques SCHREINER (Ewels Ännrésse), Clément LETT (Schùmmàchersch), Alphonse, François DEMMERLE, (Krausersch), Joseph DEMMERLE (Kimm Joggels). (Voir galerie photos).

 

Il était de tradition que les jeunes hommes mariés dans l’année aient le privilège de porter le dais abritant le curé portant l’ostensoir. A chaque reposoir, au moment de la bénédiction, les petites filles tout en blanc jetaient des pétales de fleurs qu’elles prenaient dans un joli panier.

L’autel- reposoir de la Fête-Dieu (Ewels Ännrésse Aldààr) dans les années 50 avec les jeunes filles des classes 1941-42.

L’autel- reposoir de la Fête-Dieu (Krausersch Aldààr) dans les années 50.

Les jours des Rogations « Kritztage Â» précédant la fête de l’Ascension, d’autres processions conduisaient les paroissiens, avant la messe de 7 heures, à travers champs et prés, tantôt en direction du « LEYER Â», tantôt en direction du « GROSSTÃŒCK Â» et le troisième jour au « WISTEN Â». Durant le trajet, pendant que les fidèles récitaient le chapelet, le curé aspergeait les champs avec de l’eau bénite dans l’espoir d’attirer la bénédiction du ciel pour obtenir de bonnes récoltes.

On ne partait jamais en vacances. Tout au plus, se rendait-on parfois en pèlerinage à LOURDES, à MARIENTHAL ou encore à EINSIEDELN (Suisse). «On y tutoyait le ciel en allemand, on le vouvoyait en français et on était sûr d’être exaucé à tous les coups Â».

Ainsi, l’univers de nos anciens restait immuable avec ses contours bien définis: l’abbé Joseph WAGNER, assisté maintenant de son frère Alphonse, « de Eppinger Hèrr Â» continuait de dicter sa morale excessivement sévère. Le couple des instituteurs KUCHLY représentait toujours le savoir et la tradition continuait ainsi d’imposer ses règles de conduite très strictes.

 

Ne parlant que notre dialecte germanique, nous avons tous appréhendé notre entrée à l’école communale. Nous apprenions alors avec inquiétude puis avec délectation le français sous la houlette du couple KUCHLY pour les classes de fin d’étude. Les jeunes garçons qui entraient au cours préparatoire devaient se contenter d’une baraque provisoire installée dans l’actuelle rue des Roses, où se succédèrent une foule d’instituteurs stagiaires ou remplaçants comme Joseph ILLIG et Joseph BACH, tous deux originaire d’ACHEN.

 

 

Comme avant la guerre, les jeunes gens âgés de 18 ans étaient convoqués à ROHRBACH-LES-BITCHE devant le conseil de révision, qui les déclarait « bons pour les filles Â» et pour le service militaire. La tradition de la « Mùschderùng Â» avait du bon.  «  C’est comme ça qu’on devient un homme et qu’on voit du pays Â» prétendaient les anciens.

Mais voilà, la guerre d’Algérie éclata en 1954, apportant elle aussi sa part d’angoisse dans les familles. De nombreux soldats du contingent et beaucoup de rappelés ont traversé la Méditerranée pour participer à cette opération de maintien de la paix, comme on disait à l’époque, n’osant parler de guerre à cause des atrocités qu’elle a générées. Malheureusement, un de nos concitoyens laissa sa vie dans cette terre lointaine. Alex DEMMERLE, grièvement blessé à quelques jours de sa libération, succomba à ses blessures le 19 janvier 1955, à l’hôpital de KEF, près de la frontière tunisienne.

 

Excepté quelques grands exploitants agricoles, la plupart des hommes travaillaient aux HBL, à la faïencerie de Sarreguemines et dans les petites entreprises locales du bâtiment. La majorité d’entre eux menait un petit train de culture en plus de leur activité professionnelle.

 

Il faut avouer que les enfants issus du baby-boom après la guerre, ont été particulièrement gâtés. N’ayant pas connu les malheurs, les vexations et les privations de la guerre, ils ont bénéficié de plus en plus du confort moderne. Pour assurer leur instruction, un complexe scolaire comprenant 2 salles de classe, un préau et 2 logements pour le personnel  enseignant a été construit à partir de 1956 et inauguré en 1958. Puis, dans la foulée l’école des filles, construite en 1864, rénovée en 1899 pour 4 600 Mark, fut réhabilitée en 1966 pour devenir la nouvelle école maternelle.

Inauguration de l'école en 1958

Mais de temps à autre, cette belle quiétude villageoise était mise à rude épreuve.

Ainsi durant la semaine sainte, en 1960, le village était terrassé par une nouvelle effroyable : l’abbé Victor COLLIN venait de décéder subitement d’une crise cardiaque, à l’âge de 51 ans. Les funérailles de ce prêtre très apprécié de ses paroissiens ont été célébrées avec une grande solennité.

 

La paroisse était desservie ensuite pendant plus d’un an par l’abbé Emile KIRCH d’ACHEN. C’est d’ailleurs, lui qui eut l’honneur d’accueillir en juillet 1961, le jeune abbé Joseph BECK (*1933-†1989), fils d’Anne LETT (*1901-†1974) et d’Adolphe BECK (*1898-†1979), garde champêtre du village.

 

Personne ne manquait au premier office célébré par le jeune prêtre. Tous les membres de la famille ainsi que la chorale se relayèrent pour être photographiés en compagnie du jeune ecclésiastique, qui fut nommé vicaire à SARREBOURG avant de poursuivre son apostolat dans le Bassin Houiller.

En 1963, la paroisse d’ETTING a eu le grand privilège d’organiser la confirmation pour les enfants des villages environnants et accueillait pour la première fois Mgr Jean Joseph SCHMITT, nouvel évêque du diocèse. C’est ce dernier qui mit en application les réformes décidées par le concile Vatican II et qui entraînèrent d’énormes bouleversements aussi bien dans la pratique religieuse que dans l’agencement intérieur de l’église paroissiale.

En 1960, démarra le forage destiné à l’adduction et à l’alimentation en eau courante des villages de KALHAUSEN et d’ETTING. En 1965 s’achevait la construction de la station de pompage. A partir de cette année, toutes les maisons de notre localité étaient alimentées en eau courante et purent s’équiper de salles de bain et de toilettes modernes. C’est ainsi qu’en 1968 disparurent les fontaines publiques, qui servaient d’abreuvoir pour le bétail, de lavoir pour les ménagères, mais aussi de lieu de rendez-vous pour les jeux des enfants.

 

La mairie a été équipée du téléphone en 1965 et une sirène d’alarme pour les sapeurs pompiers fut installée en 1966 sur le toit de l’édifice.

 

En juillet 1969, le village était à nouveau en liesse et une grande foule se rendit en voiture décorée à la gare de KALHAUSEN pour accueillir l’abbé Emile DEMMERLE, fils de Lisa KIMMEL (*1906-†1981) et Emile DEMMERLE (*1908-†1974).

 

Tout le village s’était mobilisé pour embellir les maisons et ériger des arcs de triomphe en vue d’accueillir et fêter le dernier Ettingeois qui a embrassé la vie cléricale. Tous les religieux et religieuses étaient conviées à cette belle première messe célébrée à l’église paroissiale.

 

Nommé vicaire à CREUTZWALD, l’abbé Emile DEMMERLE desservit de nombreuses paroisses du Bassin Houiller avant d’être promu archiprêtre de SAINT AVOLD.

 

 

 

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